Nous sommes des mendiants de l’amour.
Combien de fois avons-nous mendié et mendions-nous encore l’amour dans une journée ? Combien de fois agissons-nous - la plupart du temps inconsciemment - simplement pour être aimés et recevoir de l’amour ? Combien de fois avons-nous fait des efforts pour être aimés ? Combien de fois avons-nous lutté pour être aimés ? Et combien de fois nous sommes-nous oubliés pour tenter de répondre - souvent maladroitement - aux attentes de l’autre ? Un bon million pour ma part… et souvent sans le savoir. Comme si être aimé demandait un effort et devait se mériter ; comme si être aimé était un objectif en soi et pouvait donner du sens à notre existence. Il y a tant de moments dans une vie où nous faisons de notre mieux dans ce simple but : celui d’être aimé. Et combien de fois en retour avons-nous reçu l’amour, en qualité et en quantité, que nous espérions tant ?
Le désir d’être aimé est ni plus ni moins qu’un besoin compulsif collectif et une servitude qui fait de nous des esclaves.
Ce désir-là est la cause de la plupart des souffrances dont l’humanité est affligée. Il nous fait perdre de vue qui nous sommes vraiment et nous plonge dans une attente sans fin et un état de dépendance affective. Il nous emmaillote dans un écheveau tissé de besoin de reconnaissance, de projections de toutes sortes et plus que tout, de conformisme. Parce que, pour être aimé, il faut d’abord se conformer.
Ainsi, rechercher l’amour de l’autre (ce qui n’a rien à voir avec l’envie de faire plaisir... si c’est pour son propre plaisir !), que ce soit de son partenaire, de ses enfants, de ses parents, de ses amis ou d’autrui, s’il peut paraître naturel, est une déviance profonde qui n’apporte qu’insatisfaction et déséquilibre. C’est un simulacre d’amour qui se trompe de cible et une interprétation erronée de l’amour tel que les plus grands maîtres, toutes traditions confondues, l’ont enseigné.
Le seul être dont vous avez besoin d’être aimé, c’est vous-même.
Il n’y a aucune promesse de salut dans l’amour de l’autre pour nous-mêmes, cet autre qui a bien souvent beaucoup à faire avec le désamour qu’il a de lui-même.
Seul l’amour de soi – et par extension du Soi - peut nous sortir de cette impasse dans laquelle nous persistons à pénétrer et à nous fracasser, échec après échec, désillusion après désillusion, attendant de l’autre qu’il reconnaisse et valide ce que nous sommes, tandis que nous sommes incapables de nous accepter nous-mêmes, tel que nous sommes.
L’amour de l’autre, lorsqu’il est recherché, est un mouvement centrifuge qui éloigne l’être de son centre, se disperse aux quatre vents pour finalement se perdre dans le néant. L’amour de soi est au contraire un mouvement centripète, qui se tourne vers lui-même, se regarde et se trouve enfin, puis rayonne, sans qu’aucune forme de volonté ne l’anime. Il ne désire rien, n’attend rien, n’exige rien. Il permet juste à l’être d’être. Libéré de toute servitude, l’amour de soi affranchit automatiquement l’autre qui n’est plus tenu lui-même de répondre à une attente.
L’amour de soi n’est ni un frein, ni un substitut à l’amour de l’autre : il est son point d’origine, son ancrage et son fondement.
Et chose plus étrange encore - j’en fait la vibrante expérience à l’instant-même où j’écris ces lignes - l’amour de soi dissout l’amour ; il s’annule et s’annihile lui-même. Il s‘avale... Etant devenu son propre sujet, il devient un non-sujet : nul besoin de l’interroger, de le questionner encore, de le nourrir ou même de le nommer.
L’amour est devenu Acceptation, et simultanément, Liberté.
L’amour de soi n’est donc pas une fin, mais un chemin vers la Liberté : l’amour de soi est le premier pas ; l’amour du Soi, le second. Mais tant que nous voulons aimer ou cherchons à être aimé, nous nous trompons de chemin.
Soyez dès aujourd’hui l’être le plus précieux au monde pour vous-même : cet amour-là vous mènera à l’unique et authentique Liberté qui vaille d’être vécue.